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derrière les vieux murs en ruines

fières de se soumettre à la coutume. Lella Zeïneb, la danseuse en miniature, tend ses bras de bébé qui font encore de petits bourrelets gras aux poignets.

Une flaque pourpre s’étale près de la fontaine, un grand silence recueilli plane… Toutes, elles ont conscience d’accomplir un rite, dont elles ignorent le sens, mais qui les hausse à la dignité de femmes. Et l’on ne sait plus très bien quelle mentalité peuvent avoir ces précoces fillettes si sérieuses, aux vêtements, aux bijoux, aux gestes identiques à ceux de leurs mères. Elles s’étudient à exagérer la ressemblance ; leurs visages reflètent les mêmes sentiments.

Une jeune femme trace des ornements au carmin sur les bras dont le sang a cessé de couler. On attend le départ du barbier pour reprendre les chants et les réjouissances qui dureront jusqu’à la nuit.

Étrange amusement de petites filles que cette fête sanglante !

Il me semble saisir, en leurs prunelles enfantines, d’incompréhensibles lueurs inquiétantes, des lueurs assoupies qui flamberont plus tard…

Ô poupées ! trop splendides et trop graves !