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derrière les vieux murs en ruines

place ; les khelkhalls d’argent s’entrechoquent, les petites hanches ondulent et le puéril visage impassible, chargé d’or, garde les yeux levés vers le ciel en une extase…

La danseuse peut bien avoir quatre ans.

Une autre vient la rejoindre, une négrillonne du même âge, dont les cheveux crépus s’ébouriffent au sommet du crâne comme un panache. Puis les deux petites s’avancent, le corps tendu en offrande, elles s’inclinent devant moi d’une brusque génuflexion. Je leur colle au milieu du front une piécette d’argent et elles reprennent leurs danses.

La maallema Feddoul, très fière d’offrir une si brillante fête à ses élèves, me les désigne :

— Saadia, fille d’un notaire,… cette autre, fille d’un marchand « rassasié »… Lella Zeïneb, qui dansait, est née du Chérif Mouley Zidan…

Je connais déjà les petites brodeuses. J’aime à les voir, aux heures de travail, accroupies autour de leur maîtresse, la tête penchée, l’air attentif. Avec leurs simples vêtements de laine et de mousseline, leurs nattes bizarrement tressées, elles n’ont point ces déroutantes allures de dames qu’elles affectent à présent.

Les plus jeunes tracent, d’une aiguille maladroite, des dessins zigzagants, sur des chiffons très sales… qui furent blancs. Les aînées pénètrent le secret des anciens ornements compliqués et réguliers, pour lesquels on ne s’aide d’aucun dessin.