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derrière les vieux murs en ruines

d’autres circulent et causent à haute voix de choses très profanes.

Je me souviens de cette synagogue tunisienne, tout illuminée pour les Pâques, où les femmes faisaient cuire leur dîner à côté des gens en prières, tandis qu’un gosse se traînait au ras du sol, bien campé sur son petit pot.

Pour avoir pénétré chez les Juifs africains, on comprend mieux le geste de Jésus chassant les marchands du temple…

Des femmes reviennent du cimetière, uniformément enveloppées de châles blancs qui remplacent aujourd’hui les châles aux couleurs acides. Elles om une démarche grave et je pense enfin trouver auprès des morts un émouvant désespoir.

Les tombes, en forme de sarcophages, étincellent au soleil comme des mottes de neige. Petite cité soigneusement passée à la chaux, toute propre, toute radieuse.

Un peu plus loin, d’antiques pierres grises s’effritent dans les broussailles, ainsi que de vieux ossements.

Ce sont les sépulcres des anciens Juifs de Meknès, dont on ignore même les noms… Au jour de la désolation, ils récitaient, eux aussi, des psaumes dans les synagogues et achetaient des bonbons… mais leur vie s’écoula pleine de terreur sous un ciel inhospitalier. Nul ne vient plus gémir sur leur tombe… Les pleureuses se réunissent à côté dans le pimpant cimetière nouveau.