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derrière les vieux murs en ruines

sebenia, tissée dans le pays, à rayures oranges et jaunes, alors que les jeunes femmes se coiffent des soyeux foulards à ramages venus d’Europe.

Haute et rigide, une ceinture de Fès enroule autour de sa taille des arabesques éblouissantes. C’est le seul luxe qu’elle garde, bien que la mode en soit passée.

— Car, dit-elle je ne saurais, sans cela, me soutenir. J’y fus habituée dès l’enfance, mes os n’auraient pas la force de supporter mon corps.

Elle a renoncé à tout autre ornement, ses joues ne se relèvent d’aucun fard ; c’est à peine si elle noircit ses yeux de kohol et colore ses mains au henné. Pour qui du reste se parerait-elle ?… L’indiscrétion des négresses m’a déjà révélé que le Chérif ne va plus jamais la rejoindre en sa chambre…

Lella Fatima-Zohra m’apparaît femme de grand sens, prudente et avisée. Elle accepte, avec une résignation très digne, les désordres de son époux, les innombrables favorites dont il emplit la maison. C’est elle-même, dit-on, qui lui ferma sa porte, après trop de scandales, et obtint cette séparation à l’amiable, si rare chez les Musulmans. Mouley Hassan ne la répudia pas, son orgueil dut plier devant les exigences de la Cherifa. Il ne fut pas non plus sans peser la grande fortune que l’épouse ajoutait à la sienne, ni cette luxueuse demeure, héritée de son beau-père.

Et, qu’a-t-il à regretter d’une femme flétrie, alors