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derrière les vieux murs en ruines

12 juillet.

Ce ne sont, que gens las et dolents, mines creuses, regards ternes, ou brillants de fièvre, dans les visages émaciés. Les bons bourgeois replets ont perdu leur air jovial en même temps que leurs joues. Ils somnolent tout le jour au hasard des sofas et se réveillent très grognons, la bouche mauvaise et sèche. Ils se montrent tyranniques, exigeants, emportés. Les esclaves travaillent à contre-cœur avec des gestes mous ; les femmes redoublent de jalousie… Les ménages se désunissent, les meilleurs amis se brouillent ; partout on entend des disputes et des criailleries. La moindre chose irrite les nerfs trop tendus et prend la proportion d’un drame ; jamais on ne vit tant de plaideurs aux audiences du pacha. Pour un morceau de viande, pour un fruit écrasé, pour un mot, des hommes s’empoignent férocement, une lueur de meurtre au fond des yeux. Les voix s’éraillent en injures gutturales :

— Qu’Il maudisse ton père, ô fils d’esclave !

— Ô fils du fainéant cet autre !

— Qu’il maudisse ton père et ta tribu !

— Ô fils du vagabond !

— N’as-tu pas honte, ô le plus vil des hommes, qui fais des actions de femmes !