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derrière les vieux murs en ruines

les petites murettes. Des échelles, des cordes à linge nous prêtent parfois leur appui. Yakout entrave notre marche, nous la portons presque et elle se mord les lèvres pour contenir ses cris.

Souvent nous nous arrêtons au-dessus d’une demeure, haletants, oppressés par la crainte d’avoir fait quelque bruit.

Y a-t-il des gens qui écoutent dans la nuit ?… Tout dort… Les patios creusent des puits mystérieux ; la ville m’apparaît comme en un cauchemar où l’on bute au milieu des obstacles, où l’on va sans fin, le cœur étreint d’angoisse.

Louange à Dieu ! Voici la demeure de Si Ben Melih. Une porte entr’ouverte sur l’escalier engloutit les trois femmes. Ce n’est point l’heure des remerciements. La nuit devient plus grise. Hâtons-nous !… Un muezzin jette au-dessus de Meknès la plainte religieuse du Feger ; de tous les minarets, aussitôt, s’envolent les prières annonçant l’aube.

Le ciel s’empourpre, la chaîne du Zerhoun apparaît en silhouette onduleuse, les choses perdent leur aspect bizarre et redeviennent normales. Pour une fois, la magie du décor me laisse insensible. Que dirait-on d’apercevoir la femme du hakem et son mokhazni sur la terrasse des voisins !

Mais Allah nous avait écrit la sécurité ! Délivrés de Yakout, notre retour s’accomplit plus vite et sans peine. Nul ne nous a vus.