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derrière les vieux murs en ruines

et ne puis m’empêcher de rire… cette autre qui se plaint est Yakout, l’esclave favorite…

— Es-tu blessée ?

— Ô mon malheur ! Ô calamité ! Je suis tombée en sautant ce mur, mon pied s’est brisé, je ne puis plus marcher… Ô Prophète… Qu’allons-nous devenir ? Le maître nous tuera !

— Mais non ! il tient à son bien. Vous lui avez joué tant d’autres tours et vous êtes toujours en vie…

— Ô seigneur !… Par la tête de ma mère, je le jure, nos cœurs sont blancs ! Nous allions seulement rendre visite à une amie.

— Elle a une petite barbe, votre amie, et elle porte un turban ?

— Ô Lella ! tu es avisée… Nous ne te cacherons rien, mais ne nous fais pas honte devant le hakem.

J’accède à cette pudeur imprévue. Du reste mon mari, dès que j’ai reconnu les aventureuses, s’est éloigné discrètement. Je l’appelle à notre aide. Il s’agit de sauver ces femmes, tout en ménageant, pour une fois, l’honneur du marchand. Kaddour, que l’on a fait chercher, les reconduira par le chemin des terrasses. Mais les fugitives, tout à coup, ont pris une excessive réserve : elles me conjurent de ne pas les abandonner ainsi, seules, avec un homme !

Nous partons en silence, tels des rôdeurs nocturnes. Il faut grimper, redescendre, escalader