Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
derrière les vieux murs en ruines

interminable bled désert et de ces montagnes qu’il nous fallut traverser.

Ici, je sens que je pourrai reprendre mon existence demi-musulmane et que d’invisibles amies m’attendent en leurs demeures, derrière les vieux murs en ruines.


23 novembre.

Lella Fatima Zohra me fait appeler chaque matin, et je la trouve invariablement accroupie au milieu de la salle qui donne sur le riadh. Elle se soulève à peine pour m’accueillir, car sa corpulence répugne au moindre mouvement. Toute une vie de réclusion appesantit ses membres. La Cherifa ne bouge guère de sa place favorite, d’où elle aperçoit le jardin, un coin de ciel, et surveille les allées et venues des esclaves. Son existence s’écoule sur un sofa, dans l’amoncellement des coussins ; c’est là qu’elle dort, s’habille, boit le thé, prend ses repas. Ses nobles mains, qui ne connurent jamais le travail, reposent blanches et potelées parmi les étoffes. Depuis que l’âge et les soucis ont ravagé sa beauté, Lella Fatima Zohra ne porte plus que les vêtements sévères qui conviennent aux matrones : des caftans de drap, voilés par une simple tfina de mousseline ; une