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derrière les vieux murs en ruines

— Au nom de la Loi de Moïse, tu m’es consacrée.

Tout cela aurait une certaine grandeur, si, dans l’assistance, on ne faisait déjà circuler du rhum. Un vieux Juif à cheveux gris, adossé à la muraille, fixe l’espace d’un air extatique, Moïse écoutant l’Éternel, mais, au passage du verre, il se précipite sur la liqueur, qu’il avale d’une seule lampée…

On descend la mariée de son estrade, et toutes les femmes s’empressent à lui frotter les lèvres avec un morceau de sucre.

— Afin, me dit-on, qu’elle soit toujours douce et plaisante à son époux.

Isthir garde les yeux clos, on se bouscule et on l’écrase, une petite larme perle au bord de ses paupières, de furtives grimaces contractent son visage quand certaines invitées lui meurtrissent la bouche avec trop d’ardeur. Des Juifs s’emparent de son auteuil, et l’emportent hors du logis, hissé sur la tête de l’un d’eux.

La mariée s’en va dominant la foule, le cortège noir des hommes qui, seuls, l’accompagnent au domicile conjugal.

Dans la rue il fait clair, et chaud. Le soleil se rit des brocarts éclatants et de l’entourage sordide. On dirait un mannequin de mardi gras promené dans les bas-faubourgs.

Devant chaque maison, des Juives attendent, les mains pleines de sucre qu’elles frottent sur