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derrière les vieux murs en ruines

Chacune tire sur une mèche, et tresse une natte si raide, si serrée, que la peau du front doit en être mieux tendue… La pauvre mariée a un air de martyre ; elle ne bouge pas, ne proteste pas, mais de grosses larmes roulent sur ses joues. Les vieilles impitoyables continuent leur travail, tout en chantant avec des voix éteintes, presque sans timbre. Les louanges de l’aroussa prennent, dans leurs gosiers, des accents de funèbre complainte.

Le supplice s’achève enfin ! Isthir est embellie d’une sorte de frange, curieusement nattée au ras des sourcils, et de huit petites queues qui se retroussent. On lui passe des lingeries toutes raides et neuves : la chemise, le pantalon, une guimpe, un jupon, de coupe française, avec beaucoup de dentelles, de volants, de rubans roses et bleus très agressifs. La tête d’Isthir surgit, insolite, de ce luxe vulgaire. Mais les dessous galamment européens, disparaissent bientôt dans l’ampleur d’un caftan de brocart, blanc à ramages multicolores, et d’une tfina de soie transparente.

Cela devient tout à fait arabe, tandis que le visage de la mariée se judaïse de plus en plus. Des plaques de carmin, rehaussées de points blancs, s’étalent au milieu de ses joues ; ses lèvres peintes laissent couler jusqu’au menton des ornements écarlates ; ses cheveux sont coiffés d’une petite tiare très disgracieuse d’où tombe un voile en