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derrière les vieux murs en ruines

Des femmes entrent, en même temps que moi, chez la fiancée. Très affairées, elles ont cette allure grave, importante, qu’il convient de prendre en pareil cas. Mais leurs vêtements négligés, des vêtements de tous les jours, m’étonnent. Sans doute ce n’est pas la mode ici de faire toilette pour un mariage, alors que chaque samedi on exhibe des jupes de velours et d’extraordinaires châles bariolés !…

Isthir vient me dire bonjour, et cela me surprend aussi de la voir agir et circuler sans embarras le jour même de ses noces, car je suis habituée à la hiératique impassibilité des mariées musulmanes…

Oh l’appelle dans une chambre pour l’habiller. Vingt mains s’emparent aussitôt d’elle : les mains grasses, molles et moites de ses parentes ; les mains décharnées, aux gestes crochus, des vieilles qui encombrent la pièce. On la tourne, on la retourne, on la peigne, on la farde. Les femmes discutent autour d’elle sur les détails de sa parure ; les petites Juives se pressent pour l’apercevoir ; elles ouvrent d’immenses yeux attentifs, et, peut-être, songent-elles à l’instant où elles-mêmes seront des mariées !…

Jour suprême ! Jour d’orgueil et de joie secrètement attendu par toutes les jeunes filles !

Isthir n’en semble pas goûter le charme sans mélange. Huit mégères, dont les mentons provoquent les nez, s’attaquent à sa chevelure.