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derrière les vieux murs en ruines

Les marchands somnolent en leurs échoppes, au milieu des babouches, des lanternes ou des soies éclatantes, sans aucun souci d’attirer le client. Les menuisiers rabotent les planches de cèdre, qu’ils creusent patiemment de décors géométriques et compliqués. Une bonne odeur résineuse flotte sur leur quartier. La cadence des marteaux domine en celui des forgerons. Nul ne se presse, car le temps appartient à Dieu…

Des herbes garnissent des murs branlants et la crête des terrasses ; une vie douce, ralentie, semble palpiter à peine en la vieille cité.

Mais elle a aussi de larges rues lumineuses qui s’encombrent de bourricots et de piétons ; des souks mouvementés ; des places immenses, brûlées de soleil, où se tiennent les marchés. La foule grouillante des Berbères ; des vendeurs d’œufs, de poulets et de légumes ; des vieilles bédouines aux visages osseux ; des jongleurs, des musiciens, des charmeurs de serpents, des Arabes pouilleux, des gamins et des esclaves, s’agite et semble minuscule dans un cadre trop colossal pour des humains. Les remparts, les portes et les palais de Mouley Ismaïl[1] imposent à l’entour leurs écrasantes silhouettes.

Le mauvais rêve de Rabat et de sa civilisation est loin !… Loin de toute la distance qui sépare la vie européenne de celle-ci, plus encore que de cet

  1. Le grand sultan contemporain de Louis XIV.