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derrière les vieux murs en ruines

croupe bondissante. Elle oublie les murs, les assistants, l’esclavage. Elle est dans son pays, en Guinée, un soir d’ivresse…

Les musiciens se démènent avec des expressions de souffrance voluptueuse. Délices et torture ! Cruelle jouissance de la musique !… Reflets mauves sur les fronts en sueur… Éclairs blancs des dents et des yeux à travers les faces de nuit, et cette femme hallucinée qui danse…

Soudain l’effrayant vacarme s’apaise en un chant religieux ;

Ô Dieu ! Ô Dieu ! Ô Prophète de Dieu.
Le salut sur Toi, ô Mohammed ! ô Prophète de Dieu !
Par Allah ! nous prions sur Toi ! ô Prophète de Dieu !

Les esclaves entraînent Fatima, épuisée. Sept ou huit danseurs lui succèdent.

La barbare cadence a surgi des psaumes, comme un chat bondissant hors de l’ombre. Les nègres rejettent burnous et djellabas, ils restent vêtus d’une tunique sur l’ampleur des culottes bouffantes. Des voiles dont il s’enveloppent, blancs, noirs, bleus, verts, selon les djinns évoqués, se déploient, cinglent l’air et s’enroulent semblables à des couleuvres. Les gestes s’accentuent, les jambes sèches et sans mollets se détendent avec une brusque souplesse, les bras se projettent en avant par saccades, les visages prennent des airs d’hypnose et de bestiale félicité.