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derrière les vieux murs en ruines

indifférents, restent pelotonnés dans leur coin.

Il y en a qui tiennent des discours sensés, jusqu’à ce qu’une phrase les arrête, qu’ils répètent indéfiniment, tandis que leurs regards vacillent.

Il y a ce gros bouffi dont les yeux brillent et clignotent entre la fente des paupières, et qui rit, et qui m’appelle avec des paroles obscènes, à l’effarement de mes guides.

Et puis un vieillard squelettique, agenouillé vers l’orient, qui tire sur sa chaîne pour se prosterner comme il convient, et marmonne des prières sans fin.

Et cette vieille aux chairs grises, aux mèches grises, aux loques grises, écroulée, puante, telle un tas d’ordures…

Pas un cri, pas un bond.

Leurs voix sont atones ; ils n’ont plus la force de crier. Leurs membres se glacent, ils se meuvent à peine écrasés sous les fers. Leurs vies s’éteignent, ils s’anéantissent lentement, implacablement, dans le tombeau.

Ah ! je comprends comment un couple de vieillards suffit à garder les fous du Moristane.

Non, je ne veux plus rien voir, je ne peux plus endurer l’horreur macabre de ces lieux… Des fous furieux seraient moins atroces que ces misérables, abrutis par leur destin…

Ici tout est ténèbre, silence et mort… De l’autre côté de ces murs, il y a la rue tiède, les souks, les passants, et ce couple, Kaddour et