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derrière les vieux murs en ruines

Toutes les prisonnières se sont agrippées à mes vêtements.

— Ô femme du hakem ! Ô femme du hakem !… Écoute-moi… Je suis innocente,… Je voudrais sortir d’ici… Intercède pour moi…

La vieille Halima les fait taire.

— Celles-ci ne méritent pas que tu t’occupes d’elles, dit la gardienne, en me désignant d’équivoques créatures fardées, dont les vêtements mi-européens, mi-indigènes et les bijoux clinquants, proclament le métier. Elles ont dévalisé un tirailleur ivre qu’elles avaient attiré chez elles… Cette autre a fait scandale à Sidi Nojjar. Toi, Ghita, raconte ce qui t’est advenu, par la volonté d’Allah notre Maître.

La femme interpellée s’approche de moi. Elle est toute jeune, gentille, malgré son expression fadasse, et des marques de petite vérole.

— Il m’a battue, dit-elle en retroussant ses caftans, très haut, sur ses cuisses rayées de lignes bleues, jaunes, rouges, où quelques plaies suppurent.

— Qui t’a battue ?

— Mon mari.

— Pourquoi ?

— … Malgré moi… les voies illicites… Ensuite il s’est plaint au cadi qui m’a mise ici. Ô femme du hakem, ne m’abandonne pas. Je veux être répudiée, je veux retourner chez mes parents.

Elle pleure. Elle a l’air d’une fillette bien sage