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derrière les vieux murs en ruines

de moi, endormi dans la verdure, pierre anonyme et sans ornements. Pourtant j’aurais pu le deviner, car les herbes, alentour, ont été récemment piétinées et ne se redressent qu’à demi, l’air brisé.

Chaque matin durant ces trois jours, les hommes et les femmes sont venus, tour à tour, réciter ici les versets du Coran.

Aujourd’hui des chanteuses funèbres accompagnent les parentes, pour les dernières lamentations. Elles étendent un drap blanc sur la tombe, et l’ornent de guirlandes. Les étoiles du jasmin, les boutons de rose à peine entr’ouverts, les mimosas, les giroflées délicates répandent leurs parfums les plus grisants.

Le canari s’exalte de lui-même, ses roulades emplissent le cimetière. Ce n’est plus la voix de cette petite boule de plumes, soyeuse et gonflée, mais la cantilène triomphante de la vie qui domine les chants mortuaires.

Allah ! ô Allah ! Il n’y a d’autre Dieu qu’Allah !
psalmodient les pleureuses.

« Allah ! Ô Allah ! Ô notre maître !
Il n’y a que Toi ! Ô notre maître !

Au nom d’Allah et par Allah ! Ô Puissant !
Notre Seigneur, c’est Lui, l’Unique !
Et sur Mohammed, Ô Prophète !
Bénédiction et salut !