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derrière les vieux murs en ruines

… Puis elles se taisent, car les matrones sont arrivées et l’on doit faire à la morte sa dernière toilette.

Lorsqu’elle est parfumée, lavée, habillée de vêtements blancs n’ayant ni ganses ni boutons, on l’enferme dans un cercueil. Les hommes retournent à la terre enveloppés d’un simple linceul, mais les femmes sont recluses jusque dans la mort.

La vieille Dada s’affaire aux préparatifs, elle en oublie de pleurer… Pourtant elle aimait cette douce maîtresse indolente. Qui ne la chérissait la pauvre ! la colombe dont le cœur était blanc ?

Lorsque les amis de Si Thami, les notaires bénins et compassés, les parents et les voisins, s’ébranlent en cortège après avoir récité le Coran, de longs cris désespérés fusent à travers les portes closes, derrière lesquelles les femmes épiaient la cérémonie. L’esclave se griffe le visage comme une Berbère… Zohor s’en va au milieu des lamentations.

— Ô ma sœur !

— Ô ma mère !

— Ô la meilleure des voisines !

Son caftan radis lamé d’argent, celui-là même que je lui vis aux noces de Ghita, recouvre le cercueil. Il promène une note gaie dans l’ombre des ruelles étroites. Parfois un rayon de soleil frôle les plis du satin et projette de beaux reflets roses sur les murailles rapprochées.