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derrière les vieux murs en ruines

visage les linges trempés de larmes… Le désespoir et la colère alternent sur sa face.

— Ô ma petite mère ! Ô Lella ! Je suis réfugiée en toi !… Je veux retourner dans ma famille. Dis au hakem d’obliger Kaddour à me rendre mon acte de mariage !… Ô mon malheur ! Comment supporter un homme tel que lui ? Il me dénude aux yeux de tous !

— Allons ! explique-toi ?… Quelle est cette histoire ?

— Depuis l’hiver il m’a promis un caftan « courge » et je suis lasse de l’attendre !… Vois, le mien est en lambeaux ! Les pauvresses de Mouley Abdallah auraient honte d’en porter un semblable !

Elle rejette son haïk pour me montrer un caftan déteint, effiloché, béant par maintes déchirures, en vérité fort minable.

— Prends espoir. Nous sommes le premier du mois, Kaddour doit toucher sa paye aujourd’hui.

— Ce matin, il l’a reçue. Aussitôt, j’ai réclamé ce caftan et il me répond qu’il n’a plus rien !…

— Comment ! Tout son argent dépensé en quelques heures ?

— Il dit qu’il a réglé ses dettes… Je le connais ! Ses dettes, il ne les paye jamais, ou lorsque les gens veulent l’emmener devant le pacha… Par ma tête ! je suis sûre qu’il a mangé cet argent à acheter des oiseaux. Depuis qu’il a vu dix cages chez l’Amin el Mostafad, il a perdu son entende-