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derrière les vieux murs en ruines

est chaud, plus il est confortable. Cela dénonce qu’on n’a pas épargné le bois.

Nous abandonnons lentement les sofas. Dès la première porte, une moiteur nous enveloppe. Dans la salle suivante règne la chaleur. Mes compagnes, aidées par leurs esclaves, quittent leurs vêtements sans la moindre gêne. Elles sont trop naturelles pour connaître d’autre pudeur que celle de l’instinct, devant l’homme.

La pudeur naquit aux pays froids, elle fond à la chaleur, comme la neige. Et, dans cette pièce, il fait terriblement chaud !

Les négresses ont, en hâte, rejeté leurs caftans. Toutes les femmes sont nues. Elles s’engouffrent par une troisième porte dans l’étuve, troupeau de brebis blanches encadrées de brebis noires.

Un brouillard dense et brûlant atténue encore la lumière parcimonieuse qui filtre des voûtes. Les formes confuses semblent s’agiter dans un rêve. Lella Meryem devient une blancheur imprécise et charmante ; Lella Fatima Zohra s’effondre sur le sol comme un tas de linge ; une esclave blanche, favorite du Chérif, surgit, sculpturale, à travers la buée… Les autres femmes, bronzées ou noires, ont disparu, happées, anéanties, absorbées par les ténèbres.

Des groupes se forment suivant les préséances. Lella Fatima Zohra me fait asseoir, auprès d’elle et de Lella Meryem, sur les dalles chaudes. Un peu plus loin, Marzaka et Lella Oum