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derrière les vieux murs en ruines

les sentiers, ni s’ébattre à travers la verdure. Elles ne quitteront guère les sofas disposés sous les arbres, et, tout le jour, accroupies, presque immobiles, elles boiront d’innombrables tasses de thé, comme à la ville.

Le printemps éveille des instincts plus vagabonds au cœur des hommes. Dès que le soleil tiédit les rues encore luisantes de pluie, on les voit s’acheminer vers la campagne. Les lettrés, blancs et soignés, s’en vont à petits pas, tenant leur inséparable tapis de prière. Les artisans, les jeunes bourgeois, les étudiants, seuls ou par bandes joyeuses, envahissent les vergers. Chacun balance au bout, de son bras la cage de jonc où voltige un canari. Les pépiements enivrés dans les branches ne leur suffisent pas ; il faut, pour compléter leur extase, les roulades et les vocalises d’un virtuose.

Parfois aussi, l’un d’eux, plus sentimental, gratte les cordes d’un gumbri, et les grêles notes sautillantes se mêlent aux cris des insectes.

Escortés de leurs esclaves, des notables, à mules, gagnent les arsas plus lointaines où ils festoieront jusqu’au moghreb.

Cet exode de toute la ville suscite en moi la nostalgie des grands espaces illimités. Le riadh m’apparaît plus étroit, plus écrasé par ses murailles, et d’une somptueuse mélancolie. Les fleurs y poussent en des parterres trop réguliers, elles se heurtent aux mosaïques des allées, elles