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derrière les vieux murs en ruines

Je laisse Mouley Hassan décrire à mon mari, avec son habituelle emphase, l’étendue de ses domaines et le nombre de ses serviteurs, et, sans prononcer une parole, je me lève pour aller rendre visite à l’invisible « maîtresse des choses ».

Une négresse a compris mon désir. Elle me précède à travers le patio. Quatre massifs piliers soutiennent, au premier étage, une galerie rectangulaire précieusement dorée, peinte et sculptée. Quelques femmes chuchotent dans l’ombre, et je les sais, tapies derrière les balustrades en bois tourné, pour épier les hommes qu’elles ne doivent pas approcher…

Mais ce n’est point là-haut que nous allons. L’esclave me fait parcourir des couloirs sinueux et sombres aboutissant à un « riadh[1] » irréel dans l’enchantement azuré de la lune : les orangers, chargés de fruits, forment des masses noires, au-dessus desquelles les bananiers balancent leurs larges feuilles déchiquetées. Quelques roses tardives, étrangement blafardes, surgissent dans la verdure ; un jasmin recouvre une allée, d’une tonnelle si parfumée que l’on ne saurait s’attarder à son ombre. Des bassins étroits et profonds, affleurant le sol au milieu des mosaïques, se moirent de larges reflets, et l’on n’entend, dans le recueillement nocturne, que les petits cris étouffés

  1. Jardin intérieur.