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derrière les vieux murs en ruines

saine des fleurs sauvages, et les lourds parfums des orangers et des rosiers. Les petits rapaces roux se disputent et piaillent sur leurs terrasses ; les tendres ramiers s’attardent en caresses.

Que devinent-elles de cette griserie épandue sur la terre, de cette nature en délire qu’elles ne connaîtront jamais ?

Lella Meryem soupire et me confie ses rêves :

— Si Mouley Abdallah voulait me conduire dans cette arsa qu’il possède au bord de l’oued !… Tu viendrais avec moi ! Nous y passerions quelques jours, car il y a un petit pavillon. C’est chose permise d’emmener sa femme en un jardin, lorsqu’il est bien clos…

Rares ! oh ! si rares ! Lella Meryem, les citadines qui se sont étendues sous les figuiers à l’ombre épaisse, qui ont connu le goût des feuilles fraîches et des petites fleurs écloses dans les herbes !

Parfois, là nuit, furtivement, mystérieusement, s’ébranle en caravane le harem de quelque bourgeois, de quelque riche marchand… Mais une cherifa ne saurait s’échapper des murailles qui l’enserrent, même sous la protection des ténèbres et des voiles. Ma folle petite amie sait fort bien que ses désirs ne peuvent pas, ne doivent pas être satisfaits ; qu’elle ne connaîtra du printemps que sa caresse énervante et tiède, et cette oppression délicieuse, dont tout son être est troublé…