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derrière les vieux murs en ruines

… Je me sens fort mal à l’aise au milieu de ces effrontées. J’ai tenté de prendre congé, mais je suis enlacée dans un réseau de protestations et de mains familières.

Deux visiteuses, emmitouflées dans leurs haïks, détournent heureusement l’attention. Elles quittent leurs babouches au seuil de la salle et nous saluent.

La première écarte ses draperies de laine, et fait glisser, au bas du menton, les linges dont elle avait masqué son visage. C’est une vieille aux dents cariées, aux petits yeux larmoyants entre les rides, fort déplaisante en vérité !… Elle me considère sans bienveillance et va s’accroupir à l’autre bout de la pièce, entraînant Khaddouje et Saadia, les co-épouses. Sa compagne, effacée, discrète, toujours voilée, se place derrière elle et ne prononce pas une parole, désintéressée, semble-t-il, de l’entretien.

Le vide, subitement, s’est fait autour de moi. Les femmes, les favorites, les esclaves, les grandes et les petites filles, enveloppent la vieille à figure d’entremetteuse, attentives, les regards brillants, un sourire suspect au corn des lèvres. Elles discutent à voix basse avec animation.

Personne, maintenant, ne s’occupe de moi. Je suis toute seule dans mon coin, sur le sofa déserté. Même, il me semble sentir une gêne causée par ma présence, un désir d’en être débarrassées…