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derrière les vieux murs en ruines

pent la pièce d’une buée bleuâtre ; des plateaux chargés de tasses et de verres ; des buires en cristal contenant les sirops variés ; des coupes débordantes de pâtisseries.

Tout est splendide, abondant et riche… trop riche. Ce n’est point la seigneuriale opulence de Mouley Hassan, mais un luxe neuf, indiscret, qui dénonce la très récente fortune du marchand. La demeure rutile insolemment de ses couleurs et de ses ors, que le temps n’a point encore atténués ; les brocarts des tentures et les mosaïques étincellent à l’envi ; les piles de coussins menacent les précieuses stalactites du plafond ; les tapis, selon le goût d’à présent, ont été tissés en Angleterre, sur de fantaisistes modèles asiatiques. Un piano à queue voisine avec un phonographe, et le tajer Ben Melih aime à raconter qu’il le fit venir à grands frais, alors qu’aucune route n’était tracée, à travers le bled. Il fallut quatre chameaux pour transporter la lourde caisse, et quatre autres suivaient afin de les relayer… Les seize cents réaux[1] que coûta cet instrument procurent au marchand le plaisir vaniteux de relater son odyssée, tout en tapant avec un doigt, au hasard, sur les notes désaccordées.

De la coupole dorée, qui s’arrondit au centre de la salle, descend un lustre aux scintillantes pendeloques, et des glaces appliquées le long des

  1. 8 000 francs.