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derrière les vieux murs en ruines

moi, il faut bien que je te parle : tu n’ignores pas que Mouley El Fadil n’osera jamais te demander, et, d’ailleurs, il se réjouit avec des femmes, des prostituées, hachek[1]. C’est par toi-même que je l’appris… Alors, pourquoi refuses-tu Mouley Hassan qui est le plus noble et le plus riche du pays ?

La petite s’écarte de moi, soudain méfiante. Puis elle se rapproche en riant, et m’embrasse.

— Ta tête pense une chose, et ta bouche en prononce une autre… Que m’importe le fils de l’oncle ? On me le donnerait, je ne le prendrais pas !… Il est misérable auprès de Mouley Hassan. Celui-là seul est digne de moi. Mais je ne l’épouserai jamais. Il me veut et je ne le veux pas… Ma mère, il l’a payée. Moi je ne suis pas comme elle, fille d’un esclave noir, Mouley Hassan ne peut pas m’acheter.

Lella Oum Keltoum frémit en lançant très haut ces paroles. Elle a oublié toute prudence, et les négresses, tapies avec Marzaka derrière notre porte, et les sournoises vengeances cruelles.

Une fierté la transfigure. Malgré le sang maternel, Lella Oum Keltoum est bien de la race des Chorfa Ifraniïne. Elle a leur orgueil magnifique, cet orgueil qui donne à Mouley Hassan tant de prestige, en dépit de ses vices et de son intelligence médiocre.

  1. Formule équivalant à « sauf ton respect ».