Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
derrière les vieux murs en ruines

nombre se multiplie. À présent le patio est envahi de nègres portant les plats de cuivre coiffés de couvercles coniques. Ils les alignent à l’entrée de la salle, tandis qu’une fillette purifie nos mains sous l’eau tiède et parfumée d’une aiguière. Le Chétif s’accroupit avec nous autour de la table ronde et basse ; il rompt lui-même les pains à l’anis dont il distribue abondamment les morceaux.

— Allons ! Au nom d’Allah !

Les plats succèdent aux plats, succulents et formidables : ce sont des tagines[1] de mouton aux oignons, aux raisins secs, aux épices variées, et d’autres contenant cinq poulets rôtis, farcis ou à diverses sauces. Quelle basse-cour tout entière a-t-on sacrifiée pour notre dîner de ce soir !…

Notre accoutumance aux mœurs arabes est telle que nous ne nous étonnons plus d’un pareil repas, et savons, très correctement, selon les règles, retirer la viande entre le pouce et l’index de la main droite, ou rouler, d’un petit mouvement saccadé de la paume, les boulettes de couscous, que l’on porte à sa bouche, rondes et luisantes comme des œufs.

Mais l’excellence des mets nous surprend agréablement, habitués que nous sommes à la cuisine moins raffinée des Rbati[2].

  1. Mets marocains dans la composition desquels entrent toujours des viandes.
  2. Habitants de Rabat.