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derrière les vieux murs en ruines

hier… Je suis réfugiée en toi ! reprend-elle, suivant la formule consacrée qui lie.

Il me répugne d’être mêlée à ces intrigues, mais je ne puis décemment refuser de voir Lella Oum Keltoum, surtout après l’invocation de la négresse.

— Qu’elle vienne donc, et laisse-nous seules avec Allah.

Marzaka se lève pesamment. Sa croupe, tendue de brocart, semble un coussin bien gonflé qui se détache du sofa.

Elle traverse la cour en se dandinant et pénètre dans une autre pièce, où elle adjure sa fille de m’écouter, d’être raisonnable.

Lella Oum Keltoum arrive enfin, l’air soucieux, fait clore la lourde porte et, déridée tout à coup, s’assied dans l’ombre auprès de moi. Nous parlons à voix basse, devinant bien qu’on nous épie.

— C’est ma mère qui t’a fait venir ? Cette esclave, engendrée d’esclaves… Sache qu’hier elle m’a battue, bien que je sois sa maîtresse. Et c’est pourquoi j’ai dû promettre d’accepter le mariage. Mais, de ma vie, je ne répondrai « Oui » devant les notaires. J’aimerais mieux couper ma langue entre mes dents !… Contre cela, elle ne peut rien, la chienne !… Plus tard, quand je serai la plus forte, et que j’aurai épousé Mouley El Fadil, c’est moi qui la battrai, qui la ferai manger par les rats, s’il plaît à Dieu !…

— Écoute, lui dis-je, ta mère s’est réfugiée en