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derrière les vieux murs en ruines

9 avril.

Des cris furieux et des gémissements troublent la quiétude où s’alanguissait le quartier.

Par Mouley Ahmed ! ils sortent de la maison de Kaddour, notre mokhazni, et je reconnais son timbre altéré de rage, auquel se mêle, stridente et aigre, la voix de Zeïneb.

Leur porte n’est point fermée, j’entre sans bruit dans le vestibule d’où j’aperçois le patio. Ils ne m’ont point vue, car je reste dans l’ombre, et ils ne contemplent que leur colère.

L’homme est debout, frémissant, superbe, des lueurs féroces éclairant ses yeux. Une envie de tuer le torture… Toute son instinctive sauvagerie contracte son visage. Il ne fait pas un geste, mais ses mains crispées étreignent le burnous bleu…

La femme tourne autour de lui comme une bête mauvaise. Elle siffle, elle se moque, elle injurie ; elle provoque les coups prêts à tomber. Sa lèvre inférieure, qu’elle mord, saigne, et un mince filet rouge coule sur son menton.

— Ô gens ! comme il me traite !

— Elle parle ! cette fille de chien !

— Le chien, c’est toi !

— Ô la plus vile des peaux de mouton sur qui tous les hommes se sont étendus !