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derrière les vieux murs en ruines

ruines… et la vie s’évapore, précieuse, bleuâtre, avec les fumées du brûle-parfums…

Mbarek s’agite et me lance des regards furibonds. Il n’ose parler, mais sa mimique, ses grimaces de ouistiti dont la bouche atteint les oreilles, ses yeux qui tournent, blancs et ronds, sous les paupières écarquillées, sa mèche secouée d’indignation au sommet du crâne, doivent me faire comprendre l’indécence de ma rêverie, car on m’attend dans la maison…

Je me lève… ; aussitôt, mû par un ressort, le négrillon cabriole et s’élance d’une patte sur l’autre. Il atteint la petite porte, celle que les hommes ne doivent point franchir, la bouscule, se précipite à travers le vestibule, pirouette et roule jusqu’à l’extrémité du patio.

De suprêmes rayons irisent encore les arcades au-dessus desquelles s’élèvent, gigantesques et délabrées, les murailles de Mouley Ismaïl. Cette demeure toute neuve, spacieuse, miroitante de mosaïques, est une surprise inattendue égale à celle du jardin… Des canards barbotent autour de la vasque ; un dindon pontifie parmi les poules ; des chats bondissent et filent ; le perroquet s’agite dans sa cage en criant :

— Quel est ton état ?… Marzaka !… Marzaka !…

Un bambin, mal affermi sur ses jambes, traîne au bout d’une ficelle un lapin rétif ; les ramiers rentrent en hâte dans tous les trous des vieux murs, tandis que les cigognes s’abattent lourde-