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derrière les vieux murs en ruines

Il faut suivre, pour s’y rendre, un chemin désert, impressionnant, solennel au milieu des ruines.

Mais ce ne sont point des ruines habituelles, des ruines de demeures humaines, ces murailles si démesurées, si épaisses, au bas desquelles on se sent infimes, écrasés, tels des insectes ; ces voûtes immenses, ces arcades, ces salles larges comme des places publiques… Elles n’ont plus de plafond, plus de carrelage ; les arbres forment des vergers très riants entre les murs où des cigognes bâtissent leurs nids.

Parfois on distingue encore une inscription rongée par le temps, un fragment de stucs ciselés, quelques carreaux d’un ton précieux. Et cela rappelle que, jadis, ces lieux furent habités, somptueux et clos, que les sofas et les tapis s’étalaient à la place des herbes sauvages, que l’eau riait au fond des bassins et qu’une vie intense anima cette désolation.

Dans ce palais, beaucoup plus vaste que la ville, Mouley Ismall rêva d’amener Mademoiselle de Gonti, la fille de La Vallière et de Louis XIV, dont une ambassade alla, pour lui, vainement solliciter la main.

Et certes elle se fut trouvée bien exilée, bien en peine, la pauvre princesse, en cette demeure de géants, au milieu d’une cour étrange et barbare, près d’un époux plus magnifique mais plus sanguinaire qu’aucun despote oriental !