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derrière les vieux murs en ruines

passera inaperçu. Mais, grâce à Dieu ! ton époux ne « rétrécit » pas avec toi !… Tes parures, neuves et superbes, sont bien dignes de la femme du gouverneur… Laisse-moi cependant te mettre ces anneaux d’oreilles, que le Chérif m’apporta récemment de Fès. Les tiens, encore que les pierres en soient estimables, sont très anciens, passés de mode… Les invitées en riraient.

Lella Fatima Zohra est la sagesse même. Elle connaît le cœur des femmes.

Le premier jour j’avais un caftan de satin « raisin sec » et une tfina de mousseline blanche ; le second jour, un caftan de brocart noir à grands ramages multicolores ; et le troisième jour, j’étais devenue cette idole éblouissante, drapée de gaze géranium.

Du fard avivait mes joues trop pâles, des dessins bruns et minutieux s’élevaient entre mes sourcils à la courbe rectifiée ; mes yeux s’allongeaient de kohol. Mon visage apparaissait minuscule au milieu des joyaux, sous l’enroulement soyeux du turban.

Parfois j’apercevais dans un miroir, accroché au-dessus d’un sofa, cette étrange sultane empanachée. Je doutais que ce pût être moi !… Mais je me sentais ainsi mieux adaptée au cadre, à la fête et à la foule brillante des noces.

Yasmine et Kenza s’enorgueillissent de mon faste, elles s’en trouvent rehaussées à leurs propres yeux.