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riche matière à quolibets et à railleries en lui décernant ces titres d’« ange du Seigneur » et de « guide des milices célestes » ? Il semblait, d’ailleurs, que Robespierre avait obéi aux injonctions de la pythonisse de la rue des Rosiers : – « le mandement », il l’avait lu récemment à la Convention qui s’était empressée de le « signer » ; quant à « la procession », elle était commandée pour un jour prochain et déjà de nombreux ouvriers travaillaient à en dresser les reposoirs. Par malheur, cette lettre paraissait dater d’une époque où Robespierre sortait à peine de l’ombre, et Vadier, pour caricaturer pleinement le pontife, voulait des précisions plus actuelles. Il fallait s’informer si, depuis dix-huit mois, Catherine Théot n’était point morte ; si elle n’avait pas quitté Paris ou renoncé à ses communications avec les puissances invisibles. Héron et Sénar reçurent donc l’ordre de mettre en chasse leurs meilleurs agents, afin de découvrir la prophétesse.

Les mystagogues de ce genre, Vadier l’ignorait sans doute, foisonnaient dans Paris ; il y en avait de quoi contenter toutes les crédulités. Depuis la Constitution civile du clergé et la fermeture des églises, le peuple, privé des prêtres qu’il était habitué à vénérer, des pieuses cérémonies qui, par foi sincère ou simple tradition, lui tenaient au cœur, adoptait les plus naïves pratiques où il pensait retrouver un peu du mystère et de la poésie du culte aboli. Quand la foi s’obscurcit, la dévotion subsiste et s’entretient comme elle peut. Jamais la lucidité des somnambules et la magie des cartomanciennes ne connurent pareille vogue : c’est de cette époque que date la renommée de mademoiselle Lenormand,