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allures de « l’aristocrate » qu’il avait été, qu’il fut, peut-être, jusqu’à la fin. C’est une étrange et inquiétante figure. Fils d’un procureur[1], Sénar, qui se faisait appeler Sénar des Lys, épousa une filleule de Louis XVI et de Marie-Antoinette[2] ; on assure même que son contrat de mariage fut honoré des signatures du Roi et de la Reine. Avocat à l’Île-Bouchard, où exerçait son père, puis à Tours, où il se fixe en 1791, il se pose en ardent défenseur de la religion et de la monarchie ; il plaide devant le tribunal la cause des prêtres réfractaires dépossédés par les nouvelles lois. Il est charitable, il secourt les pauvres, il se montre hostile aux démagogues ; on l’a vu, dans un dîner, fouler aux pieds, le bonnet rouge et refuser de porter la cocarde tricolore[3]. La République à peine proclamée, il se transforme, sans transition, en un jacobin à tous crins, divorce après deux ans de mariage, brigue les emplois en vue, est élu procureur de la Commune de Tours, puis président d’une Commission militaire qui installe dans la ville la guillotine et l’établit à demeure, place d’Aumont, « sur une base en maçonnerie ». Fait sans précédent, cette Commission, avant de siéger, se rend en corps à une messe solennelle, afin d’attirer la bénédiction du Très-Haut sur ses travaux ; elle ne se signale point, du reste, par ses rigueurs : en six semaines, elle condamne à mort 6 accusés et prononce 135 acquittements. De si troublantes anomalies ne satisfont personne :

  1. Gabriel-Jérôme Sénar était né à Châtellerault, le 3 août 1760. Sa mère se nommait Catherine Sainton.
  2. Marie-Louise-Antoinette David, fille de Joseph-Antoine David et de Marie-Louise Ceri.
  3. Les Brigands de la Vendée en évidence, par Sénar, p. 64.