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sans tache, son dossier des plus élogieux[1] lui méritèrent la confiance du ministre qui lui confia la mission d’aller encaisser à La Havane un million de piastres pour le compte de certains banquiers de Paris. Ici, l’histoire se gâte. Héron reparut après six mois de voyage, dont cent quatre-vingt-quatorze jours « de planche » ; il ne rapportait pas l’argent, mais réclamait pour ses frais, comptés au plus juste, 117.402 livres. On lui en offrit 20.000 ; en outre, les banquiers réclamaient, eux, leur million de piastres que leurs correspondants de La Havane assuraient avoir remis au capitaine Héron. Or, celui-ci ne pouvait justifier de rien, les pièces établissant qu’il n’a pas touché l’argent lui ayant été volées… Se sentant soupçonné, il devient furieux, tempête, se proclame victime d’une épouvantable friponnerie, traitant le ministre et les financiers de « horde criminelle » et leurs machinations « d’œuvres de ténèbres ». Au vrai, il déraisonne ; il voit partout des espions et des provocateurs stipendiés pour le perdre ; il dégaine en pleine rue, ne sort qu’armé d’un pistolet qu’il braque sous le nez des passants, assassins probables. « Princes, nobles, ministres, financiers, robins, émissaires de la Cour, suppôts de police, tout, jusqu’aux plus vils instruments du crime », est ligué contre lui[2] ; espérant le rendre fou, ils le soumettent aux tortures

  1. « M. le comte d’Hector a ouï faire de cet officier le plus grand éloge par le comte d’Orvillier. » Archives de la Marine, dossier de Héron.
  2. Complot de banqueroute générale, par Marat. Ce précieux opuscule augmenté de notes manuscrites, où sont exposés les griefs de Héron et la succession de ses « malheurs », m’a été communiqué par M. le comte de Fels, qui voudra bien trouver ici l’expression de ma vive gratitude.