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la tête, sans débats, sans interrogatoire, sans discussion, sans défenseurs[1]. « Le plus grand des criminels ne peut être jugé, il est déjà condamné ! » Cette férocité paraît si singulière que Buzot objecte : « Ceux qui s’opposent à ce que le Roi soit entendu ont-ils donc peur qu’il parle[2] ? » Le vote régicide émis, c’est encore Robespierre qui s’érige en impresario de l’affreux drame ; sentant que la Convention, épouvantée du verdict qu’elle vient de rendre, mollit et souhaiterait accorder grâce ou, tout au moins sursis, il exige l’exécution sans délai, s’oppose à l’audition des défenseurs, et, devant l’hésitation de l’Assemblée, ameute les forcenés qui bondent les tribunes publiques, en appelle à la Commune de Paris, aux sections armées, aux clubs[3].

Il triomphe : il a trouvé sa voie : ses collègues le mésestiment et n’admettent pas sa supériorité : il aura pour lui le peuple, si crédule, si peu réfléchi dans ses engouements, si facile à conquérir ; force d’autant plus redoutable que nul n’en évalue encore la puissance, toute récente. Son parti sera la masse innombrable des simples qui croiront à son génie, des envieux dont il flattera les haineuses passions, de tous ceux qui peinent, qui souffrent, auxquels il soufflera, non la résignation, mais la révolte. Si, ce qui est vraisemblable, ce programme ne s’est pas nettement formulé en son esprit, il répond si bien à ses instincts vindicatifs qu’il s’y évertue en dépit de contradictions déconcertantes chez ce timoré plus

  1. Moniteur, réimpression, XIV, 646, 648.
  2. Idem, 657.
  3. Idem, XV, 227, 237, 239, 240.