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de ses convoitises de revanche, de sa défiance farouche confinant presque au délire de la persécution.

Pétion, qui put se croire son ami, et le connaissait bien, l’a dépeint comme « apercevant partout des complots, des trahisons, des précipices ; ne pardonnant jamais un froissement d’amour-propre ; s’irritant du plus léger soupçon ; croyant toujours qu’on s’occupe de lui et pour le persécuter[1] ». En tout homme, il flaire un ennemi probable ou de lui-même, ou du peuple avec lequel il fait cause commune. S’il attribue à la populace toutes les vertus, s’il la considère comme infaillible, c’est qu’elle l’idolâtre et que ses applaudissements le vengent des rebuffades du sort. Le culte qu’il professe pour les pauvres et les déshérités n’est point, du reste, cette noble compassion, harcelant tourment des âmes généreuses, qui se manifeste par la charité agissante ; mais une sorte de pitié théorique, traduite en périlleuses flagorneries. Sincère ? Il l’est sans doute, ou croit l’être, sans discerner qu’il aime le peuple, « le peuple qui seul est grand et respectable à ses yeux[2] », parce qu’il a trouvé en lui un courtisan, délice nouveau dont sa vie, jusqu’alors, a été privée[3].

C’est pourquoi encore il se plaît chez les gens simples qui l’hébergent ; avec son éducation toute littéraire, ses habitudes d’esprit, il devrait, croirait-on,

  1. Moniteur, réimpression, XIV, 430.
  2. Aulard. La Société des Jacobins, II, 440. Séance du 19 mars 1792.
  3. Pétion ajoute au portrait qu’on vient de citer : – « Voulant par-dessus tout les faveurs du peuple, lui faisant sans cesse la cour et cherchant avec affectation ses applaudissements. »