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prodigue de confidences, ne dissimulait-il point, sous un prétexte de roman, l’obligation qui le harcelait de désintéresser son protecteur d’Arras ? On ne l’imagine guère, en effet, encombrant de la dissipation d’un grand amour son existence recluse et laborieuse. Il poursuit opiniâtrement sa tâche, travaille avec rage, approfondit toutes les questions, même les plus étrangères à ses études habituelles, dîne à trente sous et se prive de distractions.

Dans son modeste logement où, au dire de son frère, l’ordre ne règne pas toujours[1], il reste le « bûcheur » de Louis-le-Grand et s’entête à placer son mot dans toutes les discussions ; à l’Assemblée, « il se poste auprès du bureau pour s’y emparer de la parole et la garder avec obstination[2] ». Le plus souvent on le fait taire : son apparition à la tribune est accueillie par des murmures ; il est connu, maintenant, et redouté ; il passe pour un fâcheux encombrant. Le zèle des représentants s’est bien refroidi : beaucoup s’effraient des espoirs fous que leur réunion a suscités et qu’ils ne sont point de taille à satisfaire ; ils souhaiteraient revenir en arrière, peu sûrs du chemin où ils se sentent imprudemment engagés ; alors ils supportent impatiemment ce rogue robin, qui, avec une froideur agressive, du ton d’un plaideur acariâtre, déduit impitoyablement les conséquences logiques des

  1. Lettre d’Augustin Robespierre à Buissart, 9 septembre 1790 : – « Je trouve en ce moment des plumes, de l’encre et du papier ; croyez que ce n’est pas chose facile sur le bureau de mon frère… »
  2. Le Véritable portrait de nos législateurs ou galerie de tableaux exposés à la vue du public depuis le 5 mai 1789 jusqu’au 1er octobre 1791, p. 107. Ouvrage attribué à Dubois-Crancé.