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milice bourgeoise, lesquels « se faisaient un plaisir d’escorter par honneur les députés » ; et ceux-ci « ne pouvaient marcher qu’aux acclamations du peuple[1] ». Ovation flatteuse, mais qui s’adresse en bloc à nos seigneurs de l’Assemblée nationale dont la France attend l’imminente restauration de l’âge d’or. Lui, contrairement à ce qu’il espérait, n’émerge point, en dépit de ses efforts. Combien de temps va-t-il végéter de la sorte ? Quand les Actes des apôtres le persifleront, ils l’appelleront « un pauvre boursier », et Mirabeau lui-même, dont il essaie de suivre le sillage, dira de lui, dédaigneusement : « On ne craint pas ce petit chafouin à la tribune[2]. »

De quoi vit-il ? Le prix du loyer et de la pension dans l’auberge de la rue de l’Étang est certainement très modique ; encore faut-il l’acquitter, et il n’a rien. On a supposé, afin de résoudre cette énigme, « qu’il avait laissé quelques biens à Arras[3] ». Rien ne l’indique ; il semble plus probable qu’il tenait toutes ses ressources de la générosité de l’ami Buissart[4]. Très sobre, d’ailleurs, habitué à se restreindre,

  1. Paris, lettre à Buissart, loc. cit.
  2. Baudot, Notes historiques, 7.
  3. Hamel, I, 181. Hamel s’appuie ici d’un soi-disant rapport publié dans les Mémoires sur la police, de Peuchet, II, 338 et s., rapport apocryphe, si manifestement fabriqué d’après les Mémoires de Charlotte Robespierre qu’on ne peut lui donner créance.
  4. Le 21 février 1793, Robespierre le jeune, – Bonbon, – écrivait à Buissart en le chargeant de recevoir quelque argent : « il ne sera pas nécessaire de m’envoyer la somme reçue, elle servira à acquitter matériellement mon frère envers vous…, quant à la dette morale, ma famille ne peut s’acquitter en ce monde ; vous serez toujours notre créancier. » Lettres inédites de Augustin Robespierre à Antoine Buissart, par Victor Barbier, Arras, 1891.