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du côté droit, il subit pis encore : un jour, debout à son banc, il répétait au milieu du bruit : – « Je demande une mesure… Je demande une mesure… » Une voix répondit : – « Donnez-lui une mesure d’avoine[1] ! » Il se tut et s’assit. Mais ces meurtrissures avivaient sa haine de la supériorité d’autrui et la persuasion de son propre mérite ; l’une et l’autre fermentaient en son âme ulcérée dans l’attente des revanches éventuelles.

Sa vanité saignante ne trouvait d’épanchement qu’en longues lettres adressées à son ami Buissart : il y rabaissait tous ceux dont le talent ou la réputation dominaient l’Assemblée, les Malouet, les Target, les Mirabeau, les d’Espréménil, les Mounier… Dès le 24 mai, Robespierre les avait jugés très inférieurs à leur renommée : « M. Mounier ne jouera pas ici un aussi grand rôle que dans sa province, parce qu’on lui soupçonne des prétentions… Il est loin, d’ailleurs, d’être un homme éloquent. J’ai vu M. Target arriver ici, précédé d’une grande réputation… il a ouvert la bouche…, on s’est apprêté à l’écouter avec le plus grand intérêt ; il a dit des choses communes avec beaucoup d’emphase… Le comte de Mirabeau est nul, parce que son caractère moral lui a ôté toute confiance… Mais le plus suspect, le plus odieux à tous les patriotes, est M. Malouet… Cet homme, armé d’impudence et pétri d’artifices, fait mouvoir tous les ressorts de l’intrigue… En général, la Chambre de la Noblesse renferme peu d’hommes à talents ; d’Espréménil entasse tous les jours extravagances sur extravagances…

  1. Mémoires de Montlosier, édition Lescure, 193.