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On ne l’écoutait guère ; ses motions semblaient saugrenues à ces gens qui, pour la grande majorité, ne se doutaient pas qu’ils faisaient une révolution. À peine s’informaient-ils du nom de cet agité qu’on voyait surgir de sa banquette à tout propos et qui se démenait parmi le bruit et les rires, le cou et les épaules secoués de mouvements convulsifs, les mains crispées d’un frémissement nerveux[1]. Il restait anonyme, ne frayant avec personne, n’étant admis dans aucun des nombreux Comités de l’Assemblée ; si quelque compte rendu citait son nom, c’était en l’estropiant : M. Robert-Pierre, M. Robertspierre[2], M. Roberspierre[3], M. de Robertz-Pierre[4]. Le plus souvent on imprime : un membre, ou ***[5]. Ainsi, quand, le 6 juin, l’archevêque d’Aix, Mgr de Boisgelin[6], attire l’attention des députés du Tiers sur la misère du peuple et présente, pour mieux émouvoir leur compassion, un morceau de pain noir, c’est un inconnu qui réplique insolemment au prélat[7]. « Si vos collègues ont tant d’impatience à soulager les pauvres, renoncez à ce luxe qui offense la modestie chrétienne, aux carrosses, aux chevaux, et vendez, s’il le faut, un quart

  1. Courrier républicain, n° 274, 14 thermidor an II, p. 254.
  2. Journal des Débats et des Décrets, n° 295.
  3. Les Révolutions de Paris, du 28 mai au 4 juin 1789.
  4. Courrier de Versailles à Paris, n° 54, pp. 542-543, cité par Hamel.
  5. Voir la note du Moniteur, réimpression, I, 182, sur les diverses façons dont fut écrit, dans les débuts, le nom de Robespierre.
  6. D’après le Moniteur, il semble que ce soit Mgr Cortois de Bulon, évêque de Nismes, qui ait lu la déclaration à laquelle riposta vertement Robespierre.
  7. Si l’on adopte la version du Moniteur, réimpression, I, 56 et 57, l’archevêque avait déjà regagné la chambre du clergé lorsque Robespierre l’apostropha.