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judiciaire de 1788, celui-ci vient, avec dix causes, au bas du tableau où M. Dauchez figure en tête avec cent soixante-dix-huit affaires[1] ; chiffres qui infirment cette appréciation d’un robespierriste intrépide écrivant de son héros : « À peine rentré dans sa province, il se place, d’un bond, au premier rang des avocats au Conseil d’Artois[2]. » Pourtant il est laborieux, instruit, de vie austère, d’une probité scrupuleuse ; mais sa raideur et sa morgue lui ont aliéné bien des sympathies : il dissimule mal la certitude qu’il a de sa supériorité et l’on sourit du souvenir satisfait qu’il conserve de ses succès scolaires ; il impute à la malveillance de ses confrères les déceptions de son amour-propre ; sa susceptibilité d’enfant s’est aigrie au collège ; elle se mue maintenant en méfiance farouche au moindre soupçon d’épigramme. Introduit par son ami Buissart à l’Académie royale des Belles-Lettres d’Arras, il y est accueilli avec faveur ; ses collègues lui décernent même, en 1786, l’honneur de la présidence ; et voilà que, à la séance publique qui suit son élection, il donne lecture d’un travail de sa façon « sur cette partie de la législation qui règle le sort des bâtards » ; il parle durant sept quarts d’heure ; à peine trouve-t-on le temps d’entendre un nouvel académicien qui doit prononcer, ce jour-là, son compliment de réception. L’Académie,

  1. Cette statistique fut dressée, il y a quelque soixante ans par Paris, d’après les registres et dossiers du Conseil d’Artois. La Jeunesse de Robespierre, appendice, p. XXIII. Devant l’Échevinage, la part de Robespierre est encore plus modeste : en 1783, il plaida trois fois ; en 1784, neuf fois ; en 1785, deux fois ; en 1786, aucune affaire ne lui est confiée ; il en a quatre en 1787 et cinq en 1788 : Idem, XXIV à XXVII.
  2. Ernest Hamel, Histoire de Robespierre, I, 91.