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Vissery étant mort sur les entrefaites, nul ne réclama ; Buissart n’ébruita pas ce dénouement contrariant ; Robespierre voulut l’ignorer, et ses panégyristes ont fait de même.

Mais on en parla ; on en rit dans le public, et ces railleries nuisirent à « l’avocat du paratonnerre » qui, d’une mauvaise cause, perdue en réalité, s’était fait une réputation dépassant les limites de sa province ; ce piteux épilogue indisposait les magistrats, peu flattés d’avoir été leurrés. Est-ce à cette déconvenue qu’il faut attribuer le peu de confiance que les plaideurs de l’Artois témoignaient à Robespierre ? Son éloquence, prolixe et chicaneuse, était mal appréciée : on a sur ce point l’opinion de Carnot qui, jeune officier du génie, alors en garnison à Calais, lui confia la cause d’une vieille servante réclamant un petit héritage. Il vint à Arras pour le procès : c’était la première fois qu’il voyait Robespierre ; celui-ci parla « avec tant de maladresse » que Carnot-Feulins, qui accompagnait son frère, « s’échauffa au point d’oublier qu’il était là en simple spectateur et interrompit l’avocat avec vivacité[1] ».

De fait, le cabinet de Maximilien, loin de prospérer, diminuait d’importance d’année en année. En 1782, il tenait, d’après le nombre d’affaires, le septième rang au barreau ; en 1788, il n’occupe que le onzième. L’avocat le plus renommé d’Arras, M. Liborel, s’était retiré ; mais sa retraite ne profita qu’aux concurrents de Robespierre : en cette année

  1. Mémoires sur Carnot, par son fils, I, 97. L’affaire fut plaidée devant l’Échevinage le 23 janvier 1784 ; la servante de Carnot gagna son procès.