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se remémoraient l’un l’autre leur étrange passé ; connaître surtout ce qu’était l’examen de conscience du vieux prêtre dévoyé qui avait senti se briser toutes les branches auxquelles il essayait de raccrocher sa foi chancelante. Il avait révélé solennellement la prophétesse Suzette Labrousse qui, partie pour Rome afin d’éclairer le pape de ses prédictions, enfermée comme folle au château Saint-Ange, annonçait qu’elle s’en évaderait à son gré « et s’élèverait au ciel en présence de toute la population ». Or, prosaïquement délivrée par l’invasion française, rentrée piteusement à Paris, en 1798, elle vivait recluse dans le quartier Montparnasse, aigrie par la faillite de ses prophéties et cherchant le secret de la pierre philosophale[1]. Tout meurtri encore de cette première erreur, l’ancien Chartreux s’était affilié à Catherine Théot qui, se flattant d’être immortelle, décéda très authentiquement, à l’amère déception de ses initiés auxquels elle avait promis que, comme elle, ils ne mourraient point. Quel pouvait être l’état moral de Gerle revenu de deux aberrations si grossières, et son désespoir secret d’être en même temps privé de la foi et assoiffé de croyances ? Il mourut en l’an X, le 27 brumaire[2], laissant toute sa fortune, – c’est-à-dire son petit mobilier et 270 francs, fruit de ses économies[3], – à sa veuve qui lui survécut jusqu’en 1827[4].

  1. Quand elle mourut, en 1821, on trouva dans sa cave une quantité considérable de cendres et de fioles remplies d’un liquide qu’on ne chercha pas à analyser. Une mystique révolutionnaire, Suzanne Labrousse, par l’abbé Christian Moreau, 236.
  2. Archives de la Seine. État civil.
  3. Plus une créance de 500 francs. Archives de la Seine, DQ2 1804, fos 16 verso et 25.
  4. Archives de la Seine. État civil.