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« chaque citoyen croit que la foudre écrase sa maison[1] ». D’un bout à l’autre de Paris les vitres sont fracassées, les tuiles pleuvent et s’émiettent sur le pavé, les cloisons se fendent ; au Luxembourg, prison voisine, toutes les portes s’ouvrent[2] ; aucun détenu ne cherche à s’échapper ; partout l’épouvante glace les plus intrépides ; chacun se terre, affolé, s’abritant contre la pluie noire qui tombe du ciel obscurci, pluie de fragments de bois, de lambeaux de vêtements roussis, qui s’abat jusque sur la chaussée d’Antin, jusqu’au Temple, jusque sur la route de Saint-Denis… Les geôliers du Plessis qui se sont tant gaussés des prophéties de la mère Catherine, accourent, terrifiés, au cachot où elle gît inanimée, s’attendant à la voir se dresser sur sa couche, renaître belle, jeune et désormais immortelle, ainsi qu’elle l’a prédit. Pleins de respect, ils emportent pieusement son corps dans une salle basse, le déposent « sur une espèce de lit de parade et allument autour de la morte un grand nombre de bougies ». Ils la veillent en commun, dans l’espoir d’assister à sa résurrection et prêts, bien certainement, à l’adorer et à se confondre en dévotions dès son premier signe de vie[3].

Cet accès de ferveur mystique ne dura point. Bientôt ils apprenaient qu’il n’y avait pas miracle mais coïncidence : la poudrière de Grenelle venait

  1. « Catherine Théot mourut au moment même de l’explosion. » Comtesse de Bohm, ouvrage cité, 303. Cette indication concorde avec cette mention de l’inventaire chez Catherine Théot, « décédée à la maison du Plessis, le 14 fructidor an II ». Archives de l’étude de Me Simon, notaire à Paris.
  2. Archives nationales, ADI 110 ; Fic III Seine, 13 ; AFII 34, 286, et Aulard, Réaction thermidorienne, I, 70, 72, 77.
  3. Comtesse de Bohm, loc. cit.