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sera donc rétabli ? – Non. – Les étrangers s’empareront du royaume ? – Ni l’un ni l’autre. » La vieille Catherine elle-même retrouvait la parole pour vaticiner « d’un ton sentencieux et exalté » ; elle débitait ses oracles à tout venant, à Haly, au cuisinier, au marchand de vin et même aux guichetiers, qui se moquaient d’elle et la maltraitaient sans vaincre sa patience ni sa fureur prophétique. « Je ne périrai pas sur un échafaud, comme vous l’espériez, disait-elle ; un événement qui jettera l’épouvante dans Paris annoncera ma mort. » Ces incrédules ricanaient : « Voilà une belle péronnelle pour faire tant de bruit en disparaissant[1] ! »

Les jours passaient et la prédiction semblait se réaliser. À la fin de prairial, quand fut connu le rapport de Vadier concluant à la mise en accusation de la prophétesse, on put croire que la menaçante réalité allait apporter à ces prédictions un démenti. Il n’en fut rien.

Les voitures du Tribunal venaient, chaque jour chercher au Plessis un « assortiment » de victimes[2] ; les huissiers appelaient de la cour les détenus désignés ; l’angoisse, à ce moment, étreignait tous les cœurs ; on écoutait, dans quelles transes ! Jamais la mère Catherine ne perdit sa sérénité et ne parut se douter qu’elle était promise

  1. Les Prisons en 1793, par la comtesse Bohm, 263.
  2. Haly disait un jour à la comtesse de Bohm : – « Je sors de chez Fouquier-Tinville ; je l’ai trouvé étendu sur le tapis, pâle, anéanti ; ses enfants le caressaient, essuyant la sueur de son front. Il me dit, quand je lui demandai ses ordres pour la liste du lendemain : – « Laissez-moi, Haly, je n’y suffis pas. Quel métier ! » Puis, comme par instinct, il ajouta : – « Voyez mon secrétaire ; il m’en faut soixante, n’importe lesquels, qu’il les “assortisse”. »