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liberté, écrivait au Comité de sûreté générale : « Ma mère est morte de chagrin[1]… »

La plus affligée fut la pauvre Élisabeth : après avoir quitté son mari sur la place de l’Hôtel de ville, dans la nuit du 9 thermidor, elle rentra chez elle « presque folle », resta deux jours « étendue sur le parquet, sans forces ni connaissance ». Au matin du 10, une femme vêtue de noir et couverte d’un grand voile demanda à lui parler, à elle seule ; elle venait, disait-elle, de la part de Le Bas. On ne la laissa pas entrer. Le 12 reparut Schillichem le chien de Philippe : depuis le 9, il avait quitté la maison ; il y revint haletant, la langue pendante ; « cette pauvre bête avait passé ce temps sur la tombe de son maître ». Puis se présentèrent les agents du Comité de sûreté ; ils emmenèrent Élisabeth avec son petit garçon, âgé de cinq semaines, à la prison Talaru, où sa sœur Éléonore vint la rejoindre. Toutes deux étaient sans argent, confinées dans une mansarde n’ayant de jour que par une « tabatière » ; la nuit, Élisabeth descendait de son grenier et, munie d’une petite lanterne, lavait à l’abreuvoir de la geôle les langes de son enfant ; pour les sécher, elle les plaçait sous son matelas. On la changea de prison ; en brumaire an III, elle se trouvait à Saint-Lazare ; Éléonore ne la quittait pas : « Jamais, ma bonne sœur, écrivait quarante ans plus tard Élisabeth, jamais je n’oublierai de ma vie ton dévouement pour moi et pour ton petit neveu ; ma reconnaissance sera éternelle. » Ces deux femmes restèrent héroïques : on ne trouve pas dans leur dossier un

  1. Archives nationales, F7 4583, lettre de la citoyenne Auzat, 9 brumaire an IV.