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dressé depuis la Fête de l’Être suprême, – les bravos, les chants, les lazzis, les cris d’allégresse, les malédictions, montaient de la cohue en formidable tumulte.

Jamais, même à la fête des Victoires, Paris n’avait vu pareille affluence ; à toutes les fenêtres ouvertes, les têtes rieuses ; sur tous les balcons, des groupes réjouis ; dans les rues, tous les chapeaux en l’air, des mines rayonnantes, des félicitations échangées, une communauté, une expansion de contentement qui épanouissait tous les visages. Pas un mouvement de pitié pour ces malheureux qui allaient mourir ; leur aspect affreux exaltait, au contraire, l’impitoyable enthousiasme. Hanriot, les joues balafrées, un œil hors de l’orbite, était dans la première charrette, à côté de Robespierre jeune, étendu comme un cadavre ; dans la seconde, Maximilien, assis à côté de Dumas, baissait sa tête, couverte d’un bonnet et enveloppée de linges sanglants ; Couthon, couché dans la troisième charrette, était piétiné par les autres ; tous, mornes et consternés, se taisaient, souffletés par la joie populaire. La presse était si grande que les voitures durent s’arrêter plusieurs fois ; leur trajet se prolongea durant une heure : elles firent halte à la maison Duplay ; des femmes, devant la porte, dansaient une ronde[1], un gamin, trempant un balai dans un seau de boucher, aspergea de sang les volets fermés[2]. Sur la place fatale, une multitude turbulente ; l’arrêt, enfin, au pied de l’échafaud. Couthon fut le premier

  1. Nougaret, Histoire des prisons, IV, 313.
  2. Wallon, Tribunal révolutionnaire, V, 254, d’après Louis Blanc.