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vers deux heures et demie du matin. La Convention siégeait en permanence depuis la veille, avant

    ventre de plusieurs chevaux », car Hanriot, délivré, veut sa mort. Méda se réfugie à la Convention, puis marche vers l’Hôtel de ville avec Léonard Bourdon, qui le nomme « commandant de l’attaque… ». Il pénètre à la Maison commune, pousse jusqu’au Secrétariat, y trouve Robespierre, « assis dans un fauteuil, le coude gauche sur les genoux et la tête appuyée sur la main gauche ». Ici, il faut laisser la parole à Méda : « Je saute sur lui en lui présentant la pointe de mon sabre ; je lui dis : – Rends-toi, traître. Il relève la tête et me dit : – C’est toi qui es un traître et je vais te faire fusiller. À ces mots je prends de la main gauche un de mes pistolets et, faisant un à droite[sic], je le tire… Il tombe de son fauteuil ; l’explosion de mon pistolet surprend son frère, qui se jette par la fenêtre… Les conjurés se dispersent de tous les côtés ; je reste maître du champ de bataille… » Puis Méda montre l’Incorruptible « gisant aux pieds de la tribune » ; il le fouille, lui prend sa montre, son portefeuille, « contenant plus de 10.000 francs de bonnes valeurs ». Les grenadiers se précipitent sur le blessé, qu’ils croient mort, le traînent par les pieds jusqu’au quai Pelletier pour le jeter à la Seine ; Méda s’y oppose et fait conduire directement le moribond à la Conciergerie. Or tout cela est manifestement faux, car le suicide de Robespierre jeune a précédé et non suivi celui de son frère ; – il n’y avait pas de tribune dans le salon du Secrétariat ; – et l’Incorruptible ne fut pas porté à la Conciergerie, mais aux Tuileries. C’est à croire que Méda n’a rien vu, rien su, des péripéties de la nuit du 9 au 10 thermidor.

    Il fut, à la vérité, présenté à la Convention et reçut l’accolade du président. Mais non point pour avoir débarrassé du tyran la République : le texte du Moniteur dit seulement : « Ce brave gendarme a tué de sa main deux des conspirateurs. » (Moniteur, réimpression, XXI, 343.) De Robespierre, pas un mot. Un an plus tard, dans son rapport bourré de documents officiels, Courtois écrira : « Robespierre, qu’un gendarme croit avoir immolé, se tire un coup de pistolet. » (2e rapport de Courtois, p. 70 et suiv.) Ce disant, Courtois s’adressait aux conventionnels, bien renseignés, et dont beaucoup ne l’estimaient guère. Plus il leur était suspect, moins il aurait risqué de s’exposer à un démenti.

    p>Quant à tirer une indication du rapport des chirurgiens qui, aux Tuileries, pansèrent Robespierre, il n’y faut pas songer : consulté par M. Aulard, le docteur Paul Reclus estime « que l’on doit écarter comme insuffisants et contradictoires les termes du procès-verbal officiel sur lesquels s’appuient les historiens pour conclure à l’assassinat ».

    Le seul passage de la relation de Méda qui mérite peut-être quelque attention est celui-ci : « J’atteins un fuyard dans l’escalier : c’était Couthon que l’on sauvait. Le vent ayant éteint ma