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canonniers attendent depuis trois heures des ordres précis. Il n’a qu’à faire un geste, la Convention est perdue ; l’Assemblée percluse d’émoi, tend la gorge aux massacreurs. Sauf Carnot, que rien ne trouble, et qui travaille solitaire[1], tous les membres des Comités ont déserté leur poste pour se réfugier dans la salle des séances[2]. Collot préside : il avertit ses collègues que les locaux de la Sûreté générale sont au pouvoir des scélérats et que « voici l’instant de mourir[3] ». L’heure est solennelle et sinistre ; dans cette sombre et profonde salle qu’éclairent quelques quinquets, deux lustres pendant du plafond de papier peint et les hauts lampadaires à quatre foyers qui s’élèvent de chaque côté de la tribune[4], parviennent assourdies les rumeurs du dehors. Les députés se groupent ou se promènent en causant ; plusieurs dorment[5] ; nulle délibération ; d’instants en instants, soit par un citoyen surgi dans l’ombre de la barre, soit par un collègue qui s’est risqué jusqu’aux anti-salles, ils sont avisés des péripéties de l’attaque imminente : Hanriot harangue ses troupes ; le nombre des assaillants grossit ; les canons chargés à mitraille sont braqués sur le palais[6], et la Convention dont les seules

  1. Merlin de Thionville cite de Carnot un mémoire sur l’artillerie légère daté du 9 thermidor. Correspondance de Merlin, publiée par Jean Reynaud.
  2. Mémoires de Barras, I, 189.
  3. Moniteur, réimpression, XXI, 339.
  4. Archives nationales, F13 2782 et C 354, n° 1853. L’éclairage de la Convention et des Comités, dirigé par le citoyen Lange, « illuminateur, rue Avoye », coûtait environ 15.000 livres par trimestre pendant l’hiver. Le Comité de salut public dépensait à lui seul 480 livres de mèches en trois mois.
  5. Mémoires de Fievée.
  6. Archives nationales, WIA 80. Rapport de Carlier lieutenant