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C’est fini : la bataille a duré trois heures. L’Assemblée, pour marquer que « l’incident » est clos, fait semblant d’écouter la lecture d’un rapport sur les secours attribués aux défenseurs de la Patrie ; elle juge « majestueux[1] », digne du Sénat romain, de reprendre ses travaux sans plus songer à ses transes abolies. Mais tous les regards se portaient sur les cinq proscrits qui ne quittaient pas le voisinage de la tribune. Maximilien était assis à sa place coutumière, et son frère à côté de lui ; on vit un huissier s’approcher et leur présenter l’ampliation du décret d’accusation. Maximilien prit le papier, le parcourut d’un coup d’œil, le posa sur son chapeau et se remit à causer avec Bonbon. Son seul aspect effrayait ses vainqueurs, car l’un d’eux réclama, alléguant que « les conspirateurs souillaient l’enceinte de la Convention ». Robespierre répliqua du ton le plus calme : « Nous attendions la fin du… » Un tollé formidable s’éleva : « À la barre ! Tyran ! À la barre ! » Ils avaient peur de l’entendre encore… La barre formait la limite fictive du prétoire sacré. Pour un député, passer la barre, c’était le symbole de l’exclusion, du retranchement définitif. Le président fait un signe aux huissiers ; mais les huissiers hésitent et n’osent : on ne sait ce que réserve le lendemain : traduit au Tribunal tout à sa dévotion, Robespierre peut être acquitté, comme naguère Marat, et rapporté triomphalement à son siège de député par la populace en délire. Les huissiers défaillant, il fallut quérir les gendarmes qui montrèrent plus d’audace ;

  1. Deuxième rapport de Courtois, p. 46, note.